Alicia Giménez-Bartlett – Barcelone

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Biographie

Alicia Giménez Bartlett a obtenu une licence en études espagnoles à l’Université de Valence et un doctorat en littérature espagnole à l’Université de Barcelone. Après avoir publié plusieurs romans avec un succès notable, l’autrice a créé, dans les années 1990, le personnage de Petra Delicado, protagoniste d’une longue série de romans policiers qui a fait d’elle l’une des écrivaines espagnoles les plus lues et traduites dans le monde. En 1999, une série télévisée a été diffusée, basée sur les aventures de Petra Delicado. Les romans d’Alicia Giménez Bartlett ont été très bien accueillis en France, en Allemagne, aux États-Unis et en Italie, où la série Petra Delicado a également été adaptée pour la télévision. Elle a reçu de nombreux prix, notamment le Prix Planeta (2015) pour son roman Hombres desnudos et le Prix Nadal pour Donde nadie te encuentre.

©Alessandra Fuccillo

Bibliographie

Série Petra Delicado :

  • Ritos de muerte (1996) – Rites de mort, Payot et Rivages, coll. «Rivages/Noirs» (2000)
  • Día de perros (1997) – Le Jour des chiens, Payot et Rivages, coll. «Rivages/Noir» (2002)
  • Mensajeros de la oscuridad (1999) – Les Messagers de la nuit, Payot et Rivages, coll. «Rivages/Noir » (2003)
  • Muertos de papel (2000) – Meurtres sur papier, Payot et Rivages, coll. «Rivages/Noir» (2004)
  • Serpientes en el paraíso (2002) – Des serpents au paradis, Payot et Rivages, coll. «Rivages/Noir » (2007)
  • Un barco cargado de arroz (2004) – Un bateau plein de riz, traduit par Olivier Hamilton Payot et Rivages, coll. « Rivages/Noir » no 719, 2008
  • Nido vacío (2007) – Un vide à la place du cœur, Payot et Rivages, coll. « Rivages/Noir» (2010)
  • El silencio de los claustros (2009) – Le Silence des cloîtres, Payot et Rivages, coll. «Rivages/Noir » (2013)
  • Nadie quiere saber (2013) – Personne ne veut savoir, Payot et Rivages, coll. « Rivage-Thriller »  (2015)
  • Crímenes que no olvidaré (2015)
  • Mi querido asesino en serie (2017)
  • Sin muertos (2020)

Interview

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Quelle importance ont les lieux dans vos livres ? 

Les lieux sont bien sûr essentiels dans un roman policier. Ils nous montrent le niveau social dans lequel se déroule l’action. Je peux vous donner un exemple : lors de la première adaptation des livres de Petra pour la télévision espagnole, l’intrigue a été transposée à Madrid pour plusieurs raisons. Les scénaristes ont dû choisir avec soin des quartiers similaires entre les deux villes : Barcelone et Madrid.
Vos livres se déroulent à Barcelone. Pourquoi avez-vous choisi cette ville et cette région ?

C’est simple : j’y vis depuis 30 ans.

Pourriez-vous nous parler de cet attachement particulier à cet endroit ? En quoi est-ce un cadre idéal pour un roman policier ?

C’est une grande ville, mais pas immense. Elle possède un port. C’est une ville avec des contrastes sociaux très marqués. De la mer à la montagne, le niveau économique des habitants augmente. Tout cela permet à l’écrivain de ne pas être trop exhaustif dans ses descriptions.

Était-ce une évidence pour toi de ne pas vouloir être trop précise ?

Je crois qu’un écrivain fait ce qu’il peut. Moi, je me perds déjà dans mon propre jardin, donc c’est comme ça… On tire parti de ses qualités, mais ce qu’on n’a pas, c’est plus compliqué. Parfois, j’écris avec un plan de Barcelone à côté de moi, juste pour vérifier où finit une ruelle ou avec quelle rue elle communique, parce que je ne le sais pas. C’est pas mon point fort. C’est un peu la même chose avec les dialogues et les descriptions. On me dit souvent que mes dialogues sont très bons, mais que mes descriptions sont faibles. Pourquoi ? Parce que je suis plus à l’aise avec l’ouïe qu’avec la vue. Pour moi, c’est beaucoup plus facile de me souvenir de la voix d’une personne ou de ce qu’elle a dit – au grand désespoir de mon mari aussi – que de reconstruire mentalement son apparence physique. C’est pourquoi mes dialogues sont plus solides que mes descriptions. Pour les lieux où se déroule l’action, c’est pareil. Ce n’est pas une décision réfléchie, c’est plutôt un hasard ou une incapacité de ma part. Je n’ai tout simplement pas cette compétence.

Donc finalement, l’idée, c’est de dire que ce sont les lecteurs qui s’imaginent eux-mêmes les lieux, puisque tu leur laisses cet espace d’interprétation ?

Absolument. Je leur laisse la liberté d’imaginer les lieux, mais aussi les caractéristiques physiques des personnages. Par exemple, Petra : vous ne trouverez aucune description physique d’elle dans mes livres. Pourquoi ? Je ne sais pas. Quand mes romans ont été adaptés en série télé, les scénaristes ont commencé à en discuter. J’étais présente, pas pour écrire le scénario, mais j’assistais aux premières réunions. À un moment, ils ont commencé à débattre : « Oui, parce que cette blonde… », et l’autre rétorquait : « Mais non, elle est brune ! Où as-tu lu qu’elle était blonde ? ». Les deux se sont alors tournés vers moi, et je leur ai expliqué qu’il n’y avait aucune description de Petra dans mes romans. Ça leur paraissait invraisemblable que je n’aie pas donné de détails précis. C’était assez amusant, parce que je m’attendais à des questions plus psychologiques lors de ces réunions : comment est Petra avec ses parents, sa famille, où elle a étudié, ce genre de choses. Mais non, leur toute première question a été : Quelle voiture conduit Petra ? Je me suis dit : « Mais quels imbéciles… » (rires). Quelle importance ! Ils ont vite vu que je méprisais un peu leur question. Alors ils m’ont expliqué l’importance de la voiture à l’écran : si elle est propre ou sale, sa couleur, tout cela en dit beaucoup sur le personnage. L’image, ce n’est pas comme l’écrit. Ce qui est sûr, c’est que je n’écrirai jamais de scénario pour la télévision, parce que je ne saurais pas le faire.

Dans tes romans, donc, les lieux de Barcelone ne sont pas décrits de manière très précise, mais l’atmosphère des lieux, elle, est vraiment bien retranscrite.

Tout à fait. C’est un aspect qu’il faut soigner. Par exemple, El Poblenou, quand j’ai commencé la série Petra Delicado, était un ancien quartier industriel. Ensuite, avec les Jeux olympiques, il s’est transformé. Les changements de la ville se reflètent aussi dans les romans et dans l’évolution du couple Petra Delicado – Fermín Garzón. C’est important parce que ces changements ont été énormes, sur le plan social également. Un autre exemple, c’est le quartier de El Born. Avant, c’était un quartier pauvre, mais ils ont réussi à le moderniser. Aujourd’hui, on y trouve des galeries d’art, des petits restaurants et des boutiques de mode. Tous ces changements sont significatifs. Dans mes romans, il y a beaucoup de dialogues entre Petra et Garzón où ils commentent ces transformations. Cela permet de suivre l’évolution de Barcelone au fil du temps.

En fait, tes romans couvrent une période allant des années 1990 à aujourd’hui, ce qui permet de suivre toute l’évolution de la ville ?

Exactement. Au début, il n’y avait pas de téléphones portables. L’euro n’existait pas, on utilisait encore la peseta. Les techniques policières étaient très différentes : on ne parlait pas d’ADN, évidemment. Dans les premiers livres de Petra, ils utilisent encore les cabines téléphoniques dans les rues pour communiquer. La vie dans le pays a changé en 40 ans, mais à Barcelone, certains événements ont particulièrement marqué la ville. Les Jeux olympiques de 1992 ont été un tournant majeur, tout comme l’évolution du catalanisme et du séparatisme par la suite. Ces transformations sociales et politiques se reflètent dans mes romans. Un autre aspect important, c’est l’évolution des différents corps de police. Aujourd’hui, en Catalogne, la police nationale a moins de prérogatives qu’avant. Selon les situations, Petra et Garzón doivent collaborer avec d’autres services, comme les mossos d’esquadra ou la guardia urbana. Cela m’oblige parfois à trouver des subterfuges pour qu’ils puissent continuer à enquêter à Barcelone. C’est un point qui surprend souvent les lecteurs étrangers. Je me souviens d’une dame en Finlande qui ne comprenait pas comment il pouvait y avoir autant de polices différentes – la guardia urbana, la police locale, les mossos d’esquadra, la police nationale, la guardia civil… Elle m’a demandé si l’Espagne était un État policier ! (rires)

Comment en es-tu venue au roman policier ? Qu’est-ce qui t’a poussée à commencer cette série ?

Juste avant, j’avais écrit un livre très académique sur Nellie Boxall, la cuisinière de Virginia Woolf. J’avais obtenu une bourse pour mener mes recherches et écrire ce livre à New York. C’est là-bas que j’ai découvert les romans de Patricia Cornwell. En les lisant, j’ai réalisé que le roman policier était un genre incroyablement riche, qui permettait d’intégrer de l’humour, de la psychologie, de la critique sociale, et bien plus encore. Je me suis dit : Pourquoi pas ?. Au départ, je n’avais l’intention d’écrire qu’un seul roman. Je me suis beaucoup amusée à le rédiger et à explorer l’univers policier. Puis le livre a été publié, et il a rencontré un succès incroyable. À cette époque, Carmen Balcells, mon agente, m’a dit : « Tu dois absolument continuer avec cette série. »Et c’est comme ça que tout a commencé. Et j’ai continué. Ce qui m’a aidée au début, en Espagne, c’est que j’étais la première. On me disait : « Vous êtes la meilleure écrivaine espagnole de romans policiers. » Je répondais en riant : « Oui, parce que je suis la seule. »

À l’époque, Petra Delicado était la seule femme policière dans le roman policier européen.

À l’époque, Petra Delicado était la seule femme policière dans le roman policier européen.Bien sûr, il y avait déjà des personnages féminins : des juges, des détectives privés, des assistantes techniques, des avocates, mais aucune policière. À mon sens, cela tenait à une vision traditionnelle de la femme, perçue comme un « ange de beauté », incapable de descendre dans les bas-fonds ou de diriger une enquête criminelle. Mais je n’étais pas d’accord avec cette idée. Après tout, on voyait des femmes comme Margaret Thatcher ou Condoleezza Rice mener des guerres, alors non, les femmes ne sont pas que des anges de beauté ! Pourquoi ne pas imaginer une femme policière ? C’est ainsi que Petra Delicado est devenue la première femme policière dans le roman policier européen.

Et Petra, comment est-elle née ? Comment l’as-tu créée ?

Petra est une femme un peu plus jeune que moi, mais qui porte les valeurs de ma génération. À la fin de la dictature de Franco et pendant la transition vers la démocratie, la société a connu des changements profonds, même si on ne pouvait pas toujours les exprimer ouvertement. Petra reflète les femmes de cette époque, celles de ma génération qui ont beaucoup lutté, pas nécessairement pour les droits des femmes en particulier, mais pour des droits humains fondamentaux : pouvoir voter, s’exprimer publiquement, vivre librement. C’est une femme pour qui l’amour compte, mais ce n’est pas l’unique priorité dans sa vie, même si elle s’est mariée trois fois. Elle perçoit parfois l’amour comme une forme de prison pour les femmes. Petra est critique, ironique, et elle a un grand sens de l’humour. Pourquoi ? Parce que, pour moi, l’humour est essentiel dans la vie. Petra n’est pas exactement comme moi, mais elle partage certaines facettes de ma génération et une partie de ma personnalité. Elle est à la fois indépendante, lucide et empreinte de la combativité propre aux femmes qui ont traversé ces bouleversements historiques.

Est-ce que Petra est une sorte d’héroïne qui aurait insufflé un élan pour les femmes espagnoles ? Cela correspond un peu à l’époque où l’Espagne se démocratise et se libéralise, non ?

Oui, je le pense. Je crois que Petra a eu une certaine influence, et peut-être même encore plus en Italie qu’en Espagne. En Italie, le sens de la famille et le rôle de la Mamma restent très enracinés, bien plus qu’en Espagne. En Espagne, ces notions ne sont pas portées avec autant de force, mais elles existent. Petra, avec son combat contre la culpabilité des femmes, a sans doute touché quelque chose. Je crois que ce sentiment de culpabilité se transmet souvent de mère en fille, et cela a été très critiqué par certains en Espagne, mais je maintiens que c’est particulièrement vrai dans les sociétés religieuses, comme l’Espagne d’autrefois ou encore l’Italie. Quand Petra, par exemple, vit une relation amoureuse et décide ensuite d’en rester là, sans se laisser envahir par des regrets ou des pensées de péché, elle incarne une nouvelle manière de penser. Elle dit simplement : « Non, merci, je vais vivre ma vie comme je l’entends. » Je pense que cela a offert un modèle pour encourager les femmes à s’adapter aux changements sociaux en cours. Petra, à sa manière, a représenté une forme de libération, un exemple de femme qui ose rompre avec les injonctions traditionnelles et religieuses pour embrasser une liberté plus moderne et personnelle.

Grand théâtre du Liceu

Adresse : La Rambla, 59, Ciutat Vella, 08002 Barcelona

Direction supérieure de la police de Catalogne

Adresse : Via Laietana, 43, Ciutat Vella, 08003 Barcelona

El Born

Adresse : Carrer de la Volta dels Tamborets, Ciutat Vella, 08003 Barcelona

Parc de la Ciutadella

La Font de la Cascada, le célèbre arc de triomphe avec cascade et fontaine qui a été construit pour l’Exposition Mondiale de 1888

Adresse : Passeig de Picasso 21, Ciutat Vella, 08003 Barcelona

Plaça de Prim (El Poblenu)

Adresse : Plaça de Prim, Sant Martí, 08005 Barcelona

Tour Agbar

La tour Agbar, dans le quartier tranquille en pleine reconversion de El Poblenu, non loin de la mer et du port olympique, où Petra Delicado habite dans les premiers romans.

Adresse : Av. Diagonal, 211, Sant Martí, 08018 Barcelona

Temple expiatoire du Sacré-Coeur de Jésus sur le mont Tibidabo

Adresse : Ctra. de Vallvidrera al Tibidabo, 111, Sarrià-Sant Gervasi, 08035 Barcelona

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